Le Parc national naturel de la Sierra Nevada del Cocuy est un parc national situé dans la cordillère orientale des Andes colombiennes. Cette chaîne de montagnes est donc située plus à l’est de la Colombie, pas si loin de la frontière avec le Venezuela. Qui dit chaîne de montagnes dit occasions de randonnées incroyables. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que David et moi prévoyions terminer notre voyage avec quelques jours de randonnée dans cette région, dodo dans des refuges et tout le kit. Puisque c’est une région assez reculée, elle n’est pas dans la gringo trail, c’est-à-dire qu’elle est très peu touristique, c’est-à-dire encore plus attirante pour David et moi!
Nous avons donc fait le court trajet de Sogamoso à Duitama, puis avons embarqué dans un autre petit autobus (sorti tout droit des années 70, avec du shag sur les murs) pour nous rendre jusqu’au petit village d’El Cocuy, porte d’entrée à la Sierra Nevada tant attendue. Ce trajet d’autobus fut une expérience en soi. Les huit ou neuf heures d’autobus nous hissant de peine et de misère jusqu’à El Cocuy (situé à 2700 mètres) nous ont offert un spectacle de paysages qui battaient tout ce que nous avions vu jusque-là : des montagnes d’une envergure difficile à expliquer et même à comprendre sur le moment. Ni David ni moi n’avons fermé l’œil : une première dans nos multiples trajets d’autobus!
Le lendemain, nous étions enfin prêts à entamer notre aventure dans la Sierra Nevada. Je me suis donc rendue à la réception de l’hôtel pour obtenir quelques informations auprès du propriétaire, pour finalement qu’on m’annonce que le parc national était fermé. QUOI? Je ne pouvais y croire. Peut-être était-ce l’espagnol qui rendait ma compréhension déficiente? Non non, le parc est complètement fermé, cerrado! Les indigènes qui vivent dans le parc refusent qu’un achalandage de touristes ruine leurs terres sacrées. David et moi avions lu sur plusieurs forums qu’une partie du parc était fermée pour cette raison, mais semblait-il que plusieurs randonnées étaient encore ouvertes. Si seulement nous avions lu les toutes dernières pages des forums annonçant qu’aucun accès au parc n’était dorénavant possible…
J’étais complètement dévastée, au point d’en pleurer de déception! (Avez-vous déjà essayé de pleurer à 2700 mètres d’altitude? Pas si facile lorsqu’on manque d’oxygène, haha!) C’est donc par tous les moyens et avec notre potentiel d’espagnol exploité au maximum que David et moi essayions de voir avec le propriétaire quelles options s’offraient à nous. Toujours rien de concluant…
Après une marche de quelques heures dans les montagnes environnant le village, nous sommes revenus à l’auberge remplie d’une énergie nouvelle pour trouver une solution à notre problème. Nous sommes revenus à la charge auprès du propriétaire pour qu’il nous réexplique nos options. Vous comprendrez que, bien que le trajet d’autobus était exceptionnel, nous n’avions pas exactement envie de le refaire en sens inverse 24 heures plus tard…
C’est donc avec une lueur de désespoir dans les yeux que le propriétaire a finalement attrapé son cellulaire, échangé quelques mots en espagnol avec un certain Guillermo, et nous as dit d’attendre patiemment dans le hall d’entrée l’arrivée de celui-ci.
Guillermo a finalement été la définition même d’un miracle. S’exprimant d’un anglais très compréhensible, il a proposé à David et moi un plan que nous avons accepté sans même nous consulter. Lui et son jumeau viendraient nous chercher le lendemain en Jeep à 9h00, nous amèneraient dans leur refuge La Hacienda La Esperenza situé à l’entrée du parc, puis le lendemain nous guideraient dans une randonnée « interdite » jusque dans un canyon de la Sierra Nevada. Leur refuge, légué de père en fils depuis plusieurs générations, était visité régulièrement par les touristes lorsque le parc était ouvert. Maintenant que le parc est fermé, ils essaient de gagner quelques pesos en offrant à des touristes perdus (comme nous) des petits séjours tout compris. Non seulement ces jumeaux avaient la gentillesse d’ouvrir leur refuge juste pour nous, Guillermo a aussi une formation de chef cuisiner et allait donc nous préparer tous les repas pendant notre séjour. Vendu!
C’est donc dans un vieux Jeep qui sentait le pétrole que les deux jumeaux sont venus nous chercher à l’auberge le lendemain, comme convenu. Après une heure de trajet ponctuée par une crevaison de pneu réparée sous la pluie, nous sommes arrivés à La Esperenza, à environ 3000m d’altitude. Un bon café nous attendait pour nous réchauffer de la température froide de l’altitude et de la pluie. Lorsque celle-ci s’est finalement calmée, un des jumeaux nous a amenés faire une première expédition pour nous permettre de nous acclimater à l’altitude. Les environs de la Esperanza étaient époustouflants. Des étendues d’un vert étincelant partout, tout cela entouré des plus belles montagnes habitées de moutons, chevaux et vaches. À notre retour, un délicieux souper chaud nous attendait, suivi d’une partie de poker avec nos hôtes près d’un feu de foyer.
Le lendemain matin, après une nuit où nous avons peu dormi en raison du froid humide des montagnes qui s’infiltrait dans nos sacs de couchage, nous étions prêts pour la randonnée secrète! Cette randonnée a été un gros highlight du voyage. Elle nous a permis d’entrer dans le parc national d’El Cocuy, alors que nous pensions devoir mettre une croix sur ce projet, et même de voir de loin certaines icônes du parc, comme le fameux Pulpito del Diablo. Nous avons aussi pu marcher dans un écosystème rare qu’on appelle le Paramo, qui se trouve seulement à quelques endroits en Amérique du Sud, à la limite entre les forêts et les neiges éternelles. Cet écosystème abrite plusieurs espèces de plantes très peu communes et bien particulières.
Finalement, nous avons pu entrer dans un énorme canyon où peu de gens ont mis les pieds dans leur vie, à nous sentir comme les seuls habitants de la Terre! Bref, cette randonnée d’environ huit heures, mais aussi toute l’aventure qui nous y a menés et l’accueil chaleureux des jumeaux auront été une des expériences les plus marquantes de notre voyage en Colombie.